Le naufrage Laplace au pied des remparts du château de la Roche Goyon, Fort La Latte
Le Naufrage Tragique de la frégate "LAPLACE" au pied du château de la Roche Goyon, Fort La Latte
Le 16 septembre 1950, une tragédie maritime secoua la Baie de La Fresnaye, proche de Saint-Malo, lorsque le bateau "LAPLACE" sombra au pied du château de la Roche Goyon, Fort La Latte. Ce bateau, autrefois connu sous le nom de l'USS Lorain (PF-93) de l'US Navy, avait une histoire riche et variée avant de rencontrer son destin funeste.
L'Histoire du USS Lorain (F713) devenu le LAPLACE
Le LAPLACE (F713) était une des quatre anciennes frégates américaines de classe Tacoma vendues à la Marine française le 26 mars 1947. Ces navires ont été acquis pour renforcer les moyens navals de la France en attendant la construction et la mise en service d'escorteurs et de patrouilleurs. L'USS Lorain (PF-93), qui deviendra plus tard le LAPLACE, était le seul navire américain à porter le nom de la ville de Lorain en Ohio.
Après avoir été lancé le 18 mars 1944 sous le nom de ROANOKE, par l'American Ship Building Company à Lorain, Ohio, le bateau mesurait 92,7 mètres de long, 11,5 mètres de large, et avait un déplacement de 1400 tonnes. Il était propulsé par deux turbines à vapeur alimentées par trois chaudières développant 4101 kW.
L'USS Lorain a quitté Baltimore le 28 janvier 1945 pour Norfolk, en Virginie, puis les Bermudes, où il a été utilisé comme Garde côte pour sa formation. Après une formation dans la baie de Casco, Maine, il a rallié Terre-Neuve, sa nouvelle base de patrouille le 11 avril. Opérant à partir d'Argentia et plus tard de Reykjavík, en Islande, il fournissait des rapports météorologiques pour les eaux côtières du Groenland.
Le 14 septembre, l'USS Lorain est retourné à Boston et a effectué une patrouille météo au large de la Nouvelle-Angleterre à la fin d'octobre, puis a navigué dans les Caraïbes. Il a été escorté à Recife, au Brésil, au début de 1946, puis est revenu à Boston le 7 mars et a été désarmé le 14 mars 1946.
Après avoir été vendu à la Marine française et renommé LAPLACE, le navire a rejoint le port de Brest pour son réaménagement. Il a repris du service comme navire météorologique dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en Atlantique nord, aux côtés de trois autres navires météorologiques français : Mermoz, Le Verrier (F716), et Le Brix.
Le Naufrage Dévastateur
Le tragique naufrage du LAPLACE est survenu après une patrouille de 21 jours au large de la côte espagnole. Alors que le bateau était ancré devant le château de la Roche Goyon, Fort La Latte, une mine magnétique, qui avait été posée par la Kriegsmarine allemande lors de la Seconde Guerre mondiale, a explosé, provoquant des ravages mortels. C'était le 16 septembre 1950.
Le commandant du navire, le capitaine de frégate André Rémusat, raconte cette tragédie dramatique. Le LAPLACE, un navire spécialement équipé pour les recherches météorologiques, était venu se mettre à l'abri dans la baie de La Fresnaye pour échapper à un cyclone annoncé pour la soirée de samedi. Tout semblait aller bien, mais vers minuit 15, une explosion dévastatrice a secoué le navire.
La mine avait explosé du côté bâbord arrière, entre la salle des machines et les locaux des services météorologiques. Le bateau a rapidement pris de la gîte sur tribord, s'est rempli d'eau jusqu'au pont principal, et a fini par sombrer. Malheureusement, en raison des conditions difficiles, seuls quelques radeaux ont pu être mis à l'eau, et deux d'entre eux ont été pris sous le bâtiment lorsqu'il a chaviré, entraînant la perte de nombreuses vies.
La nuit du Naufrage
Le 15 septembre 1950, la frégate Laplace se trouvait dans une situation délicate. Un cyclone avait été annoncé, et le navire revenait d'une mission de trois semaines en mer, sur le point K, lorsqu'il se préparait à rejoindre le port de Saint-Malo. L'invitation était pour participer à l'inauguration des écluses. Les conditions météorologiques se dégradaient rapidement, et la sécurité du navire était devenue une priorité.
Vers 0 h 15 mn, une détonation retentit, secouant violemment le navire. Une mine magnétique allemande, posée pendant l'occupation, avait été armée par les passages successifs du Laplace, et elle explosa, déchirant la coque du bateau du côté bâbord, entre la salle des machines et les locaux des services météorologiques. La situation devint rapidement critique, et le commandant Rémusat réalisa que le navire était condamné. Il donna alors l'ordre d'évacuer en urgence.
La tragédie se déroula de manière effroyablement rapide. En seulement 12 minutes, le Laplace se retourna, plongeant dans les eaux de la baie de la Fresnaye. Une immense nappe de mazout se répandit autour du navire, ajoutant à l'horreur de la situation. Dans l'obscurité de la nuit, les membres d'équipage réussirent à mettre à l'eau quatre radeaux, mais la vedette de sauvetage était impossible à mettre à l'eau dans de telles conditions.
Malheureusement, deux des radeaux étaient surchargés de blessés et mal dégagés, et ils furent pris sous la coque du navire lorsque le Laplace sombra. L'arrière du bateau reposa sur le sable, tandis que l'étrave émergea de quelques mètres, permettant à certains membres d'équipage de s'y accrocher toute la nuit.
L'explosion avait été si puissante qu'elle réveilla des habitants à terre, mais personne ne pouvait imaginer l'ampleur de la tragédie qui se jouait dans la baie de la Fresnaye. Le sémaphore de Saint-Cast avait été désarmé quelques mois auparavant, et il n'y avait pas de moyen efficace pour donner l'alerte.
Ce n'est qu'au petit matin que les secours purent intervenir. Monsieur Legoff, un vieux marin pêcheur, se porta volontaire pour secourir les survivants réfugiés sur l'étrave du navire retourné. Vers 7 h, après des heures de nage, quelques rescapés épuisés frappèrent à la porte de l'hôtel Bellevue de la famille Persillard près du château. Un pêcheur recueillit encore "quelques nageurs" qui avaient quitté l'épave en direction de la côte à la lumière du jour naissant.
Le docteur Leguet fut alerté et prodigua des soins aux marins choqués, gelés et couverts de mazout. Les premiers corps découverts sur les plages furent dirigés vers Saint-Cast, où une "chapelle ardente" fut érigée pour leur rendre hommage. Au fil des jours, la mer restitua petit à petit les victimes de cette tragédie. Le bilan final de ce drame navrant et imprévisible fut lourd, avec 51 morts et disparus sur les 92 hommes présents à bord.
Les Victimes et le Souvenir
Les noms des 51 victimes de cette tragédie sont gravés dans la mémoire collective, honorant leur sacrifice et leur service dévoué à bord du LAPLACE. Parmi les victimes, se trouvaient le commandant André Rémusat, des quartiers-maîtres, des mécaniciens, des opérateurs radio, des chauffeurs, et bien d'autres membres de l'équipage.
Les 51 victimes :
REMUSAT André, capitaine - BACHELIER Gustave, quartier-maître mécanicien - BAUDOIN Pierre, matelot - BEAUMONT Daniel, quartier-maître Electricien - BELOEIL Michel, matelot chauffeur -BERGOUGNIOU, opérateur radio - BERTSCH André, matelot chauffeur - BOUCHER Auguste, quartier-maître électricien - BOULAIN Louis, premier-maître météo - BUZARE Emile, maître chauffeur - CABEL Joseph, quartier-maître chauffeur - CARLIN Claude, matelot chauffeur - COLCANAP Pierre, ingénieur météo - COLLET Jean, quartier-maître mécanicien - CORFDIR Georges, quartier-maître manoeuvrier - CURCIER Louis, officier médecin (3) - DRIANO Jean, quartier-maître mécanicien - DUPONT Louis, matelot charpentier - FLEURY Eugène, quartier-maître timonier - GAUTRAIN Christian, maître d'hôtel - GERARD Pierre, matelot radio - GLEYO Victor, quartier-maître mécanicien - GUEGUEN Jean, opérateur radio - GUENA Joseph, quartier-maître manoeuvrier - GUENEGUEZ Victor, quartier-maître chauffeur - HAMON René, SM mécanicien - HAUTCOEUR Yves, officier des équipages - HELIES Alexis, quartier-maître chauffeur - HETET Joseph, SM Météo - LALANE René, matelot Cuisinier - LE DRU Joseph, quartier-maître mécanicien - LE PEUCH Noel, quartier-maître manoeuvrier - LEGRAND Jacques, Enseigne de Vaisseau - MARZIN André, quartier-maître Electricien - MENET Jean, matelot Chauffeur - MILLERAND Georges, timonier - MON IN Henri, quartier-maître Fusilier - NAVEOS Léon, SM Chauffeur - NIVEZ Louis, Maître Météo - OLIVIER Christian, quartier-maître mécanicien - PIOGER Pierre, adjoint technique - PODEUR Yves, quartier-maître Chauffeur - PRIGENT Pierre, mécanicien - RENAUDIN Roger, quartier-maître Radio - REVEILLARD Jean, quartier-maître Secrétaire - SCOURZIC Jean, Maître mécanicien - SOUBEYRAN Lucien, matelot Equipage - SOULAGNET Jean, matelot Electricien - TANGUY Pierre, matelot - THOMAS Marcel, maître Electricien - VOISEAU Bertrand, matelot mécanicien
Un monument aux victimes a été érigé en leur mémoire pour rappeler la tragédie du LAPLACE et pour que leur sacrifice ne soit jamais oublié. Le monument témoigne de la fierté et de l'héroïsme des marins français qui ont perdu la vie dans cette catastrophe.
Zone : Golfe Saint-Malo - 48 02 40 - N° SHOM 14582018 Latitude : 48° 39', 7855N - longitude : 002° 16', 4535 W
Le naufrage du LAPLACE est une histoire tragique qui rappelle les dangers du métier de marin, même dans des circonstances qui semblent relativement sûres. Il est important de se souvenir de ces marins courageux et de rendre hommage à leur sacrifice pour le service de la France.
Aujourd'hui, une bouée rouge signale l'emplacement exacte du naufrage entre le château de la Roche Goyon et la pointe de St Cast.
Nom du bateau Laplace (F713)
Autres noms USS Lorain (PF-93)
Pavillon United States Navy (US Navy)
Type Frégate
Classe Classe Tacoma
Histoire A servi dans la Marine nationale
Commanditaire USA
Chantier naval American Ship Building Company, Lorain (Ohio)
Quille posée 25 octobre 1943
Lancement 18 mars 1944
Armé 15 janvier 1945
Mise en service Vendu à la France le 26 mars 1947
Statut Détruit le 16 septembre 1950
Équipage 92
Caractéristiques techniques
Longueur 92,6 mètres
Maître-bau 11,4 mètres
Tirant d'eau 4,17 mètres
Déplacement 1 509 tonnes
Port en lourd 2 228
Propulsion 2 turbines à vapeur (3 chaudières)
Puissance 5 500 chevaux
Vitesse 20 nœuds
Caractéristiques militaires
Armement - 3 canons de 76 mm - 2 × 2 canons de 40 mm - 9 canons de 20 mm - 1 mortier ASM Hedgehog - 2 lignes de grenades ASM (charges de profondeur)
Rayon d'action | 9 500 milles nautiques à 9 nœuds
Pavillon États-Unis
Les 41 rescapés
AUDEON Valentin Matelot sans spécialité BEAULIEU Quartier Maître Détecteur - BOCHER Marcel Matelot Mécanicien - BOUYER Roland Matelot Cuisinier - BRICOTEAU André S. Mtre Commis - BUZARE Jean Quartier Maître Timonier - GINDRE Bernard Quartier maître Radio - BUZARE Joseph Quartier Maître Manoeuvrier - CELTON Guillaume P. maître Timonier - CLECH Yves Lieutenant de vaisseau - CORBOLIOU Raymond Quartier maitre Radio - DUPONT Philippe Matelot Radio - DUPONT Pierre Mot Mécanicien - FILY Alexandre S. Maitre Météo - GINDRE Bernard Quartier maître Radio - GOUDE Mathieu Matelot Radio - HABASQUE Jean S. maître Manoeuvrier - HINCKER Paul Matelot Maître d'hôtel- JEGOU Francis Quartier maître cuisinier - KUNC Sigmond Quartier maître Mécanicien - LE BIHAN Emile Maître Radio - LE BON Honoré Quartier maitre Manoeuvrier
LE GUEVEL Henri Quartier Maître Électricien - LE GUYON René Mlt Détecteur - LE ROUX Louis Quartier Maître Boulanger - LE SCANF Lucien Quartier Maitre Radio - LEDUC Yves Officier des Equipages - LEFEVRE Francis Matelot sans spécialité - LOZACHMEUR Elie Matelot Commis - MARTIN Louis Adjoint Technique (Civil) - MARTIN Michel S. Maître Chauffeur - MORVAN Valentin Matelot Mécanicien- NEDELEC Matelot Mécanicien - PANEL Maxime Quartier maître Radio - PELLENEC Joseph Quartier Maître Radio - PENNEC Clément Quartier Maître Fusilier - PERON Louis Quartier maître Chauffeur - PLANTIER Adjoint technique (civil) - REMUSAT Jean Passager, fils du commandant - ROPARS Michel S.Mtre Infirmier- SCHLOESING Pierre Lieut. de Vaisseau, Second - SOUBIGOU François P.Mtre Mécanicien
La mine TMC
La TMC (Torpedo Mine C) est une mine marine allemande munie d'une charge explosive de 860 à 930 kg. Conçue comme une mine de fond, elle repose sur le fond marin, prête à réagir à la signature magnétique ou acoustique d'un navire qui passe à proximité.
La mine TMC (Torpedo Mine C) est une évolution de la mine TMB (Torpedo Mine B), conçue pour répondre aux besoins des commandements de campagne allemands en quête d'une mine torpille offrant une zone cible plus étendue que celle du TMB. La TMC se décline en deux modèles distincts, le TMC I et le TMC II. Les principales différences entre ces deux modèles résident dans la taille du compartiment unitaire, le poids de la charge explosive et le poids total de la mine. Cependant, l'apparence extérieure du boîtier demeure identique pour les deux versions.
Pour obtenir une efficacité maximale, la TMC est généralement déployée dans des eaux peu profondes, à des profondeurs allant jusqu'à 30 mètres. Lorsqu'un navire s'approche de la zone où une de ces mines est ancrée, que ce soit le long des côtes ou dans des estuaires, la pression de l'eau à cet endroit spécifique augmente progressivement à mesure que le navire s'approche. Cependant, au moment où le navire atteint directement la position de la mine, la pression diminue brusquement. Cette variation soudaine de la pression hydrostatique est déclenchée par le passage du navire et est rapidement amortie. L'amplitude de cette variation de pression dépend de divers facteurs, tels que la profondeur de la mer, le tirant d'eau du navire, sa vitesse, entre autres.
Afin d'éviter qu'une forte houle ou des mouvements de l'eau ne déclenchent prématurément la mise à feu de la mine, un système de détection à dépression est généralement associé à l'un des systèmes précédemment mentionnés, à savoir le système magnétique ou acoustique. Le système de détection à dépression de la mine allemande TMC fonctionne de la manière suivante : il comporte un sac à air en caoutchouc en communication par un tuyau large avec un réservoir en acier. Ce réservoir est divisé en deux compartiments distincts par une cloison en acier perforée d'un trou central. Un boulon, isolé de cette plaque, porte sous lui une tige de métal se terminant en boucle et pénétrant dans le compartiment. Une pointe métallique, attachée à un blochet sous la cloison, se trouve au centre de la boucle formée par la tige. Le blochet et le boulon sont reliés par un fil au circuit de mise à feu, et un petit trou dans la cloison permet aux deux compartiments d'air de communiquer.
Lorsque le navire passe au-dessus de la mine, la pression de l'air dans le sac diminue rapidement. En réaction, le sac à air tend à se regonfler, aspirant l'air, ce qui provoque la levée de la plaque d'acier, soulevant le boulon et la tige en boucle. Cette dernière entre alors en contact avec la pointe métallique, fermant le circuit électrique de mise à feu. Il est important de noter que la pression sur le sac commence à diminuer au moment où le navire commence à passer au-dessus de la mine, c'est-à-dire au moment où le navire est le plus proche de la mine, déclenchant ainsi son explosion.
Sources :
°Livre "Histoire du pays de Fréhel", Pierre Amiot, Carrien, Imprimerie Régionale, Mars 1993.
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