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Les oubliettes dans les châteaux forts : un mythe ou une réalité ?

Les oubliettes évoquent instantanément des images frappantes : des cachots sombres, des trappes dissimulées, des prisonniers condamnés à une mort lente et oubliée dans l'obscurité la plus totale. Mais cette vision terrifiante est-elle vraiment fidèle à la réalité médiévale ? Ou s'agit-il d'une construction romantique du XIXᵉ siècle, savamment entretenue par la littérature, le cinéma, les bandes dessinées, les jeux vidéo et même certaines scénographies touristiques ?


Et si, en réalité, les oubliettes avaient un tout autre nom en termes architecturaux et servaient à des usages bien plus prosaïques ? Découvrons ensemble la vérité derrière ces récits légendaires : les oubliettes étaient-elles vraiment des fosses de mort ou simplement des espaces utilitaires bien moins dramatiques qu'on ne le croit ?


Entre mythe et réalité : Le mythe tenace des oubliettes
Entre mythe et réalité : Le mythe tenace des oubliettes

Origine du mythe : une invention romantique


Dès le XIXᵉ siècle, les historiens et écrivains romantiques, fascinés par l'époque médiévale, ont popularisé l’idée que les châteaux forts étaient équipés de fosses destinées à enfermer des prisonniers jusqu’à leur mort. Cette vision dramatique s’inscrivait dans un imaginaire collectif où l'époque médiévale était perçu comme une époque de barbarie et de cruauté extrême.


L’architecte Viollet-le-Duc, pourtant grand restaurateur de monuments médiévaux, critiquait déjà cette vision excessive en expliquant :"On donne trop souvent au Moyen Âge des couleurs atroces, et l’imagination accepte trop facilement les scènes d’horreurs."

Les écrivains et artistes du XIXᵉ siècle : architectes du mythe des oubliettes


C'est donc au XIXᵉ siècle, qu'écrivains, dramaturges se sont emparés du mythe des oubliettes pour nourrir l'imaginaire collectif d'un Moyen Âge sombre et cruel.

Des récits sensationnalistes tels que Les oubliettes retrouvées dans les souterrains de la Bastille (1789) décrivaient des scènes macabres où des prisonniers étaient précipités sur des roues garnies de rasoirs, renforçant l'idée de supplices cachés au cœur des châteaux. La littérature romantique, avec des auteurs comme Merville dans Contes et nouvelles et le conte "les oubliettes"(1830) ou Léo Lespès avec Histoires à faire peur  avec les oubliettes du château de Blois (1846), poursuivit cette tradition en mettant en scène des oubliettes peuplées de squelettes ou d'esprits tourmentés où l'on nomme les oubliettes, le Trou aux morts. Dans la nouvelle de Le petit Jean chez les auvergnats par Expédit (1896), les oubliettes sont décrites "comme un lieu où le seigneur ne faisait que des méchancetés, remplies de cadavres en pétrification". Le théâtre ne fut pas en reste, comme en témoigne la pièce Les Oubliettes de Bayard et Masson, jouée au Théâtre du Vaudeville en 1830, qui mêlait comédie et critique sociale en se servant des oubliettes comme métaphore du pouvoir absolu, la presse en parlera dans La Pandore.


extrait de " Les oubliettes retrouvées dans les souterrains de la Bastille" édité en 1789 © collection BNF
extrait de " Les oubliettes retrouvées dans les souterrains de la Bastille" édité en 1789 © collection BNF

Mais le mythe des oubliettes ne s'est pas arrêté au XIXᵉ siècle. Il a perduré jusqu'à aujourd’hui à travers la culture populaire, véhiculé par les films, les dessins animés, les jeux vidéo, mais surtout via les jeux de rôle.


Publicité de la Petite presse pour "Les oubliettes du vieux Louvres" par Henri Augu de 1866 avec un personnage tombant aux oubliettes ©collection BNF
Publicité de la Petite presse pour "Les oubliettes du vieux Louvres" par Henri Augu de 1866 avec un personnage tombant aux oubliettes ©collection BNF

  • Dans les films et séries, les oubliettes sont souvent représentées comme des cachots lugubres où l'on laisse mourir des prisonniers sans espoir de sortie.


  • Dans les dessins animés, on retrouve fréquemment ce cliché, notamment dans les récits de chevaliers et de princesses en détresse.


  • Dans les bandes dessinées, le mythe est également présent. Dans Le Chevalier Printemps, publié dans le Baby Journal dirigé par Marijac en 1948, on retrouve cette image des oubliettes comme un lieu sombre et mystérieux. Le jeune héros, confronté à un seigneur tyrannique, doit libérer son père retenu dans les "sinistres oubliettes" du château. Les illustrations colorées contrastent avec la thématique sombre, mais participent tout de même à entretenir cette légende. 


extrait de "Le Chevalier Printemps" de Jen Trubert dans le journale Baby Journal de 1948 où l'on parle des oubliettes comme des lieux sinistres, humides... ©collection BNF
extrait de "Le Chevalier Printemps" de Jen Trubert dans le journale Baby Journal de 1948 où l'on parle des oubliettes comme des lieux sinistres, humides... ©collection BNF


  • Dans les journaux pour la jeunesse tels que Le Jeudi de la jeunesse, Baby journal, l'Épatant ou encore le Noël. Dans L'Épatant de Louis Forton (1931) présente des scènes où des personnages sont enfermés dans des oubliettes sombres, accentuant l'idée de ces cachots comme lieux de morts et de mystère.


ZARAZA el Grande de José Moselli dans le journal "l'Épatant" du 12/11/1931 où l'on illustre les oubliettes d'un fort par un cachot avec un mort. On y parle de tortures, d'être menacer d'être jeter aux oubliettes... ©collection BNF
ZARAZA el Grande de José Moselli dans le journal "l'Épatant" du 12/11/1931 où l'on illustre les oubliettes d'un fort par un cachot avec un mort. On y parle de tortures, d'être menacer d'être jeter aux oubliettes... ©collection BNF


  • Dans les jeux vidéo, les oubliettes, cachots, souterrains reprennent les éléments classiques sombres et mystérieux imaginés au XIXème.


  • Dans les jeux de société, les jeux de cartes, on retrouve là aussi cette vision faussée !

Dans Magic: The Gathering par exemple, la célèbre carte Oubliette est illustrée par un squelette enfermé dans un cachot aux couleurs rouge et noir, donnant l'idée d'un lieu de mort lente et inexorable.


Carte de jeux "Magic the Gatherin" illustrant l"Oubliette" avec un squelette dans son cachot. Illustration de Douglas Shuler
Carte de jeux "Magic the Gatherin" illustrant l"Oubliette" avec un squelette dans son cachot. Illustration de Douglas Shuler

Autre carte du jeux Magic the gathering illustrant encore l "Oubliette" avec des cranes et une main traversant la grille.
Autre carte du jeux Magic the gathering illustrant encore l "Oubliette" avec des cranes et une main traversant la grille.

Ainsi, la fausse image des oubliettes comme lieux de mort a traversé les siècles, jusqu’à s’ancrer dans notre imaginaire collectif. Pourtant, la réalité historique est bien différente...

Les oubliettes : une aberration architecturale


L’idée même de construire des oubliettes, c'est-à-dire des pièces condamnées et sans accès autre qu’une trappe par le plafond pour laisser mourir une personne, pose de nombreux problèmes :


  • Un gaspillage d’espace : chaque mètre carré dans un château avait une utilité bien définie. Condamner une pièce pour y faire mourir des prisonniers aurait été une perte de place inacceptable.

  • un coût : créer une pièce supplémentaire coute beaucoup d'argent.

  • Une gestion logistique impossible : sans accès direct, comment aurait-on pu récupérer les corps des prisonniers sans incommoder ou transmettre dans tout le château des odeurs pestilentielles ou des possibles maladies ?

  • Une contradiction avec la justice médiévale : à cette époque, la détention prolongée était rare. Les peines de justice privilégiaient les châtiments corporels ou l’humiliation publique.




Le véritable rôle des prétendues oubliettes


Les espaces souvent identifiés comme oubliettes avaient en réalité des fonctions très variées :


  • Des caves, garde-manger (frigos), glacière : nombre de ces fosses servaient à stocker des denrées alimentaires, notamment des silos à grains ou des glacières. Le château de la Roche Goyon dispose lui aussi de ce type de lieu architectural, cette "glacière" se trouve dans la base de la tour dite "des archers".

Entrée de la glacière de la tour des archers ©archives du château de la Roche Goyon
Entrée de la glacière de la tour des archers ©archives du château de la Roche Goyon

  • Des latrines : certaines d’entre elles étaient équipées d’un système d’évacuation, prouvant qu’elles servaient plutôt de conduits de toilettes et non de cachots mortels.


  • Des poubelles : certaines d’entre elles ont été bouchés au fil du temps en servant de véritables conduits à déchets pour de la vaisselle cassées, restes de nourriture (os, coquilles...)


  • Des culs de basse-fosse : ce terme architectural désignait un véritable cachot souterrain, mais destiné à la détention temporaire, en attente de procès ou de rançon.




Les culs de basse-fosse : des cachots mais pas des tombes


Contrairement aux oubliettes légendaires, les culs de basse-fosse ont bel et bien existé et étaient utilisés pour enfermer des prisonniers. Cependant, il ne s’agissait pas d’un enfermement à mort. Ces cachots étaient souvent sombres, inconfortables et insalubres, mais ils avaient un accès permettant de nourrir et de surveiller les détenus ainsi que des latrines. Leur objectif était d’assurer la garde d’un prisonnier avant jugement, rançon ou châtiment.


Le prisonnier était descendu à l'intérieur par une échelle ou une corde. Mais il n'était absolument pas jeté depuis le haut de la trappe comme dans l'expression "jeter aux oubliettes". Une telle chute aurait pu le tuer sur le coup, rendant inutile la conception même de ces pièces spécifiques. Après tout, si l'intention avait été d'éliminer un prisonnier rapidement, il aurait été bien plus simple de le précipiter depuis un rempart plutôt que d'aménager un cachot au sein du château. 


Au Château de la Roche Goyon, il existe trois véritables culs de basse fosse que l'on nomme à tort oubliettes, une dans chaque tour du second châtelet. Ce sont des culs de basse-fosse authentiques, toutes étant équipées de latrines, preuve qu'elles étaient conçues pour des séjours prolongés et non pour une mise à mort.


"Cul de basse fosse" dite familièrement "Oubliettes" dans l'un des tours du second châtelet au château de la Roche Goyon                © château de la Roche Goyon
"Cul de basse fosse" dite familièrement "Oubliettes" dans l'un des tours du second châtelet au château de la Roche Goyon © château de la Roche Goyon

La justice médiévale : une approche différente de la punition


Contrairement à ce que l'on imagine, l’enfermement n’était pas une peine courante à l'époque médiévale. La justice médiévale privilégiait :


  • Les peines infamantes : le pilori exposait les condamnés à la moquerie publique.

  • Les châtiments corporels : mutilations, amendes ou courses humiliantes étaient fréquentes.

La peine de mort : réservée aux crimes les plus graves, elle se pratiquait par pendaison, bûcher ou décapitation selon la faute.

Sources historiques : des mentions anciennes aux interprétations modernes


L'une des plus anciennes mentions du mot oubliette se trouve dans Les Annales et Chroniques de France (1553) de Nicole Gilles, réédité par Denis Sauvage.



  • Hugues Aubriot, prévôt de Paris au XIVᵉ siècle, fut condamné à être mis "en oubliette" au pain et à l'eau, dans un cachot du For-l’Évêque à Paris. Il subissait sa peine depuis plusieurs mois lorsqu'il fut libéré par les Parisiens insurgés. La prison de l’Officialité, à Paris, dans le couvent des capucins, abritait également des oubliettes appelées in pace. Lors de l'évacuation de ce couvent en 1790, on y découvrit deux cachots étroits où le prisonnier n'avait pour tout aliment la aussi que du pain et un pot d'eau.


Extrait de la condamnation de Hugues Aubriot dans Les Chroniques et annales de France, depuis la destruction de Troye, jusques au Roy Loys onziesme. volume 2 © collection BNF
Extrait de la condamnation de Hugues Aubriot dans Les Chroniques et annales de France, depuis la destruction de Troye, jusques au Roy Loys onziesme. volume 2 © collection BNF

Cette mention historique témoigne d’une réalité bien différente des récits fantastiques du XIXᵉ siècle. Si les culs de basse fosse ont bien existé, elles étaient davantage utilisées comme des cellules de punition temporaire plutôt que comme des fosses de mort lente et cruelle sans rien pour manger ou boire.


Une remise en question historique dans la presse dès le début XXème


Dans son article À travers l'Histoire publié dans La Libre opinion, Alexandre Mercereau déconstruit déjà méthodiquement le mythe des oubliettes en s'appuyant sur des faits historiques concrets. Il souligne que beaucoup de structures identifiées comme des oubliettes étaient en réalité des fosses d'aisance, des caves de stockage ou des glacières servant à conserver les denrées alimentaires comme on l'a vu plus haut dans notre article.


Mercereau remet également en question l'interprétation romantique qui voit dans les anneaux ou les chaînes trouvés dans les châteaux des instruments de torture. Il explique qu'il pouvait tout aussi bien s'agir de dispositifs pour sécuriser des marchandises ou pour des usages domestiques.


L'article démontre également que l'idée d'une justice médiévale barbare utilisant des oubliettes pour condamner à mort des prisonniers n'est pas fondée. En effet, il met en avant que la justice médiévale privilégiait souvent les peines corporelles ou les amendes, tandis que l'enfermement prolongé était une exception rare, souvent liée à des affaires politiques ou religieuses spécifiques.


Enfin, Mercereau rappelle que des pratiques similaires d'enfermement temporaire dans des cellules sommaires existaient jusqu'à des périodes bien plus récentes, notamment dans les prisons de la Bastille jusqu'à la Révolution française. Par cette analyse rigoureuse, il contribue dès le début du XXᵉ siècle à replacer les oubliettes dans leur véritable contexte architectural et historique, loin des fantasmes et des exagérations littéraires comme nous aujourd'hui à travers cette article.


extrait de l'article de Alexandre Mercereau remettant en question les oubliettes dans le journal de la Libre Opinion de 15/09/1929 ©collection BNF
extrait de l'article de Alexandre Mercereau remettant en question les oubliettes dans le journal de la Libre Opinion de 15/09/1929 ©collection BNF


Donjon, Dungeon ?

L’amalgame entre le donjon, les oubliettes, les cachots et le mot "Dungeon"



carte issue du jeu "Magic the gathering" intitulée "Enter the Dungeon" "Descente aux oubliettes"
carte issue du jeu "Magic the gathering" intitulée "Enter the Dungeon" "Descente aux oubliettes"

Un autre facteur qui a contribué à entretenir le mythe des oubliettes est la confusion entre plusieurs termes d'architectures médiévaux, notamment le donjon et les oubliettes, ainsi que leur traduction erronée en anglais.


En français, le « donjon » désigne la tour principale des châteaux forts médiévaux, souvent la plus haute et la plus fortifiée, servant de dernier refuge en cas d'attaque. Cette tour était un élément stratégique, abritant non seulement les appartements du seigneur et de sa famille, mais aussi des réserves de nourriture, les archives, l'argent du seigneur et des armes. Dans certaines situations, des prisonniers nécessitant une garde étroite pouvaient également y être détenus.


Pourtant, en anglais, le mot correspondant n’est pas "Dungeon", mais "Keep".


Mais alors, d’où vient cette fameuse confusion entre "donjon" et "dungeon" ?


Car en anglais, le mot "Dungeon" ne désigne pas une tour fortifiée, ce lieu de pouvoir seigneurial, mais plutôt… un cachot souterrain, une prison lugubre, sombre, humide, isolée de tout oh, mais ça ne vous rappellerait pas un certain mythe ? 🎭


Eh oui ! Le mot "Dungeon" correspond exactement à l’image des oubliettes, cachots que l’on s'est fait depuis le 19ème siècle .


Ce glissement sémantique a entretenu l’idée que les châteaux forts étaient remplis de prisons terrifiantes, alors qu’en réalité, ce n'était pas le cas.


 Cette confusion a été amplifiée par les jeux vidéo et les jeux de rôle, notamment Dungeons & Dragons, où le "Dungeon" désignait un réseau souterrain rempli de pièges, de cachots et de monstres et qui a été traduit maladroitement en français par Donjons et dragons.


C'est que l'on appelle un faux ami (des mots qui ressemblent beaucoup à un autre mot dans une autre langue, comme ici entre le français et l'anglais, mais qui ont en réalité ont un sens complètement différent).


Une traduction littérale aurait donc donné : Cachots et dragons, Souterrains et dragons, Oubliettes et dragons où Cul de basse fosse et dragons mais c'était peut-être moins harmonieux dans la sonorité.


Le logo du jeu "donjons et dragons" traduit de façon plus "littérale" en "Cachots & dragons"
Le logo du jeu "donjons et dragons" traduit de façon plus "littérale" en "Cachots & dragons"



Cette traduction erronée persiste encore dans de nombreux jeux, bandes dessinées et autres œuvres. On retrouve ainsi Dungeon traduit en Donjon dans les deux langues, de l'anglais au français comme dans Donjons et Dragons, ou inversement, comme avec la bande dessinée Donjon de Sfar et Trondheim, traduit en anglais par Dungeon. On pourrait en citer beaucoup d'autres comme la saga audio, bd "le donjon de Naheulbeuk" traduit en "The dungeon of Naheulbeuk"...



Logo de la bande dessinée "Donjon" de Sfar et trondheim chez Delcourt traduit avec son faux ami en anglais par "Dungeon"
Logo de la bande dessinée "Donjon" de Sfar et trondheim chez Delcourt traduit avec son faux ami en anglais par "Dungeon"

Les boites de jeu "Munchkin Dungeon" et sa traduction en français "Munchkin Donjon"
Les boites de jeu "Munchkin Dungeon" et sa traduction en français "Munchkin Donjon"

Et aujourd’hui encore, certains visiteurs pensent que le donjon d’un château est une sorte de prison.



L’étymologie de ses mots : Donjon, Dungeon


L'amalgame entre donjon, oubliettes et dungeon ne résulte pas d'une simple coïncidence. Il s'appuie sur une évolution linguistique complexe, mêlant différentes langues et époques, tout en étant exacerbé par le phénomène des faux amis. Pour bien comprendre cet enchevêtrement sémantique, il est essentiel de remonter à l'origine de ces termes et d'analyser comment leur sens a dérivé au fil du temps, alimentant ainsi le mythe persistant des oubliettes et des prisons médiévales imaginaires.



carte issue du jeu "Magic the gathering" intitulée "Volrath's Dungeon" "Oubliettes de Wöhlrajh"
carte issue du jeu "Magic the gathering" intitulée "Volrath's Dungeon" "Oubliettes de Wöhlrajh"

🏰 Origine Étymologique


Le mot « donjon » trouve ses racines dans le bas latin de Gaule « dominio, dominiōnem », qui signifie « ce qui domine » ou « tour maîtresse ». Ce terme dérive lui-même du latin « dominus », signifiant « maître » ou « seigneur ». À l'époque médiévale, le donjon symbolisait ainsi la domination, la puissance et le pouvoir du seigneur féodal sur ses terres.


Bien que certains aient suggéré une origine francique avec le mot « dungjo », cette hypothèse n’est pas privilégiée par les spécialistes. Le consensus se tourne plutôt vers l’origine latine, renforçant l'idée que le donjon était bien plus qu'une simple tour : c'était le cœur vivant du château.


Son Faux Ami Anglais : « Dungeon »


En anglais, le mot « dungeon » dérive également de l’ancien français « donjon », mais son sens a évolué de manière radicalement différente. Alors qu’en français, le donjon est encore la tour maîtresse, en anglais, « dungeon » désigne désormais un cachot souterrain, sombre et humide, souvent représenté dans les œuvres de fiction comme un lieu de torture et de désespoir. Le mot"Dungeon" est devenu en anglais la traduction d' "oubliettes".


Cette divergence de sens est ce que l'on appelle un « faux ami linguistique » : deux mots issus de la même origine mais ayant pris des significations très différentes au fil du temps. Cette confusion a nourri le mythe des oubliettes, ces lieux sinistres où l’on oublierait volontairement des prisonniers, alimentant ainsi un imaginaire gothique et sombre sur l'époque médiévale.



🎲 Le Mythe Perpétué par les « Dungeon Crawlers »


Le terme ludique de « Dungeon Crawler », né de cette traduction erronée depuis Dungeons & Dragons, est un parfait exemple de cet amalgame. Ce type de jeu, qui signifie littéralement « vagabonder dans les cachots», utilise le mot « dungeon » pour désigner des environnements fermés et labyrinthiques, souvent peuplés de monstres et de trésors à découvrir.


Encore aujourd’hui, cette confusion persiste dans de nombreux jeux de rôle, de société et vidéo où « dungeon » est traduit à tort par « donjon » en français et inversement, perpétuant ainsi le mythe des donjons comme des prisons souterraines lugubres.


Cette "tradition" de traduction erronée se poursuit avec de nombreux jeux, notamment « Welcome to the Dungeon », « Rumble in the Dungeon » et « Paper Dungeons », où le terme « dungeon » est systématiquement traduit par « donjon », renforçant encore l'amalgame entre les donjons historiques et les cachots, oubliettes, souterrains des jeux de société et vidéo.


Cette confusion puise ses racines dans l'imaginaire collectif du XIXᵉ siècle, où les oubliettes, cachots et prisons médiévales étaient dépeints ou illustrer comme on l'a vu plus haut dans l'article comme des lieux mystérieux, remplis de squelettes, de morts, de chaînes, de monstres et de souffrances sans fin — une vision bien éloignée de la réalité historique.


"Ensemble de jeux utilisant le mot Dungeon, très souvent traduit en français par Donjon, qui exploitent également l'imagerie fictive des cachots, oubliettes et souterrains peuplés de squelettes, de chaînes, de morts et de monstres, telle qu'on pouvait se la représenter au XIXe siècle."
"Ensemble de jeux utilisant le mot Dungeon, très souvent traduit en français par Donjon, qui exploitent également l'imagerie fictive des cachots, oubliettes et souterrains peuplés de squelettes, de chaînes, de morts et de monstres, telle qu'on pouvait se la représenter au XIXe siècle."



L'entretien des culs de basse-fosse au Château de la Roche Goyon


Au Château de la Roche Goyon, entretenir les culs de basse-fosse fait partie des tâches annuelles indispensables. Chaque année, nous descendons dans ces pièces historiques pour en assurer l'entretien, vérifier l'éclairage et mettre en place une scénographie fidèle à leur usage d’antan. Nous travaillons à recréer l’ambiance plus authentique de l’époque en illustrant, par la mise en scène d’un personnage temporairement puni, les pratiques réelles qui animaient ces lieux. Les images présentées témoignent de notre engagement à offrir une expérience immersive, en harmonie avec la réalité historique des culs de basse-fosse.



Images du nettoyage du cul de basse fosse du château de la Roche Goyon © images du château de la roche goyon

Les expressions qui en sont sorties !


"Les expressions françaises « jeter aux oubliettes » ou « tomber aux oubliettes » signifient mettre volontairement de côté ou oublier quelque chose. Elles trouvent leur origine au XIXᵉ siècle, inspirées par l'idée imaginaire des cachots où l'on jetait quelqu'un pour l'oublier, le condamnant à l'oubli éternel.

L'expression « en oubliette » apparaît dès le XIVᵉ siècle avec Hugues Aubriot, mais c’est au XIXᵉ siècle qu’elle prend sa forme actuelle."


Les expressions françaises « jeter aux oubliettes » ou « tomber aux oubliettes » signifient mettre volontairement de côté ou oublier quelque chose. Elles trouvent leur origine dans cette imaginaire que l'on s'est fait au XIXème siècle, ces cachots où l'on jetterait quelqu'un pour mieux l'oublier, le condamnant ainsi à l'oubli éternel.


L'expression « mettre en oubliette » est attestée dès le XIVᵉ siècle avec le cas de Hugues Aubriot, mais ce n'est qu'au XIXᵉ siècle que l'expression prend sa forme actuelle. L'influence des écrivains et artistes romantiques de l'époque a contribué à nourrir la légende de ces lieux sinistres.


Ces expressions reflètent l'idée d'abandonner ou de négliger intentionnellement une chose ou une personne, en référence à cette légende tenace des oubliettes, perçues comme des lieux où l'on effaçait toute trace de ceux qui y étaient envoyés. Bien sûr, comme nous l'avons vu plus haut, cette vision des oubliettes n'était qu'un mythe, loin de la réalité historique !

Donc, oublions les oubliettes !


Loin des récits terrifiants du XIXᵉ siècle, des attractions touristiques, des jeux et des films qui entretiennent ces mythes, les oubliettes, telles qu’on les imagine, n’ont jamais existé dans les châteaux forts médiévaux.


Les véritables cachots, appelés culs de basse-fosse, servaient à la détention temporaire et non à une condamnation à mort lente et cruelle. Ces espaces étaient destinés à garder les prisonniers en attente de jugement ou de rançon, avec un minimum de confort grâce à des latrines intégrées, témoignant de leur utilisation pratique plutôt que punitive.

"Oubliettes supposées" (ou glacière) de la prison de la Bastille à Paris — Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, par Eugène Viollet-le-Duc
"Oubliettes supposées" (ou glacière) de la prison de la Bastille à Paris — Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, par Eugène Viollet-le-Duc

Lorsque ces fosses ne servaient pas de culs de basse-fosse, elles avaient souvent des fonctions bien plus banales. Beaucoup de ces espaces n'étaient que des conduits de latrines, permettant une évacuation discrète et hygiénique. D'autres, appelées glacières, étaient utilisées pour conserver les denrées alimentaires.


L'absence d'accès simple, comme un escalier, et la nécessité d'utiliser une corde ou une échelle pour y descendre, n'étaient pas des dispositifs de torture à jeter des personnes, mais bien des moyens ingénieux pour éviter que le prisonnier s'échappe ou pour les glacières, de protéger les réserves des rats et autres nuisibles.


Il est temps de reléguer l'image du XIXᵉ des oubliettes lugubres et cruelles au rang des légendes. Et plutôt que de nourrir ses fantasmes macabres, retenons la réalité architecturale et pratique de ces espaces : ils étaient soit des lieux de stockage ou de simples conduits lorsqu'ils n'étaient pas équipés de latrines, soit des lieux de détention temporaire lorsqu'ils en étaient pourvus. Et mettons à jamais "aux oubliettes" cette vision lugubre de cette pièce provenant des fictions, films, jeux, livres ou pièces de théâtre de ce lieu.

Sources :


© Articles, dessins, plans, archives, images et documents venant des collections du château de la Roche Goyon


Les autres sources et références et personnages cités de l'article :


1. Livres, Romans et Nouvelles :

  • Les oubliettes retrouvées dans les souterrains de la Bastille (1789) - Décrit des scènes macabres avec des roues garnies de rasoirs.

  • Contes et nouvelles (1830) par Merville - La nouvelle Les oubliettes illustre un système de trappe à bascule et de conduits mortels.

  • Histoires à faire peur (1846) par Léo Lespès - Les oubliettes du château de Blois explore la légende des oubliettes via le Trou-aux-Morts.

  • Cesari Torneo (1865) par M. B. dans le Journal du Lot - Utilisation des oubliettes comme symbole d'oppression.

  • Le petit Jean chez les Auvergnats (1896) par Expédit dans Le Noël - Présente la légende des oubliettes de la Tour du Hibou.

  • Le petit de Crac (1913) dans les jeudis de la Jeunesse avec l'illustration de la trappe de l'oubliette


2. Journaux et Publications :

  • La Pandore (1830) - Critique de la pièce Les Oubliettes de Bayard et Masson jouée au Théâtre du Vaudeville.

  • La Libre opinion (1929) - Article d'Alexandre Mercereau questionnant la réalité historique des oubliettes.

  • Journal du Lot (1865) - La nouvelle Cesari Torneo utilise la thématique des oubliettes.


3. Bandes Dessinées :

  • Le Chevalier Printemps dans Baby Journal (1948) - Montre des oubliettes lugubres où est emprisonné Père Orage.

  • L'Épatant (1931) par Louis Forton - Utilise les oubliettes dans une histoire sombre.



4. Ouvrages Historiques :

  • Les Annales et Chroniques de France (1553) par Nicole Gilles, édité par Denis Sauvage - Première mention connue du mot oubliette, avec le cas d'Hugues Aubriot.

  • Article sur Hugues Aubriot et les oubliettes de la prison de l’Officialité, extrait du site des éditions Vox Gallia : Lien vers l'article.


Personnages Historiques et Auteurs Citations :


  • Hugues Aubriot (XIVᵉ siècle) - Prévôt de Paris sous Charles V, condamné à être mis en oubliette au pain et à l'eau.

  • Viollet-le-Duc (XIXᵉ siècle) - Architecte et historien, critiquant la vision romantique exagérée du Moyen Âge.

  • Alexandre Mercereau (1929) - Auteur d'un article critique sur les oubliettes.

  • Jean Grimod - Contemporain de Mercereau, sceptique quant aux mythes autour des oubliettes.


Un donjon ou un cachot, cul de basse fosse (oubliette) ? :



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